Nicoline van Stapele
No Secrets (Sans secrets)


Deux faits:
* Récemment, j’étais en visite dans l’atelier d’une artiste quelque part en Campine. Au cours de la conversation, la dame me racontait qu’il y a quelques années, elle avait créé des oeuvres à l’occasion du tapage autour des abus sexuels dans l’Eglise catholique. Elle se sentait très touchée par les articles parus dans la presse, d’autant plus que dans le passé elle avait été elle-même victime d’abus, ce qu’elle avait toujours caché à ses parents. C’est après le décès de sa mère qu’elle avait trouvé le courage d’en parler, entre autres à son époux. Sa mère avait toujours surprotégé sa fille, ce qui n’était pas toujours agréable et n’avait d’ailleurs pas empêché les abus.


* La semaine passée s’est tenu à Gand (Zebrastraat) le vernissage d’une exposition du sculpteur Koenraad Tinel, à l’occasion de son 85e anniversaire. J’ai exposé des oeuvres de Koenraad Tinel dans les années 1980, à l’époque où il signait de son seul prénom. En effet, son nom de famille était chargé d’une histoire obscure, ses parents étant connus comme collaborateurs qui avaient entraîné leur jeune enfant dans leur fuite à travers les forêts de l’Allemagne. Ce passé tragique se reflète encore dans son oeuvre. Mais, de nos jours, un de ses meilleurs amis est un homme Juif qui a survécu aux horreurs d’ Auschwitz. Nous avons donc tous nos secrets, importants ou insignifiants, mais certains quand même plus lourds à porter que d’autres.


Vous vous demandez sans doute pourquoi l’exposition de Nicoline van Stapele porte le titre ‘No Secrets’, littéralement ‘Sans Secrets’. Pourtant, ces oeuvres ont l’air assez joyeuses, intéressantes par leurs formes et systèmes, pas particulièrement mystérieuses ou de nature négative. Ou pourrait-il s’agir d’un code ?


Les oeuvres que Nicoline van Stapele nous montre ici semblent se situer parfaitement dans l’évolution normale de son oeuvre. Et ce n’est pas une simple apparence, c’est tout simplement la réalité. L’artiste ne dévie pas de façon frappante de tout ce qu’elle a créé depuis ses études à l’Académie royale des beaux-arts de Gand, à savoir dessiner et peindre. Et ce depuis plus de trente ans.

 

A côté de ses dessins et peintures, elle a également produit des installations, des sculptures et des collections.


Souvent elle traduit des expériences personnelles, des explorations et des observations en patrons géométriques, à première vue simples. Lors de son séjour à Paris, elle a réalisé toute une série de peintures inspirées de ses longues promenades dans la ville. Il existe d’autres artistes qui ont suivi la même trace et il est particulièrement enrichissant d’observer les méthodes très diverses qui permettent de transformer une promenade en oeuvre d’art. Voyez l’oeuvre très conceptuel de Stanley Brouwn, les oeuvres issues des promenades de Richard Long, l’oeuvre de Francis Alÿs ou les promenades vénitiennes de Lieven Neirinck.


Nicoline réussit à reproduire des conversations au moyen de lignes et de petits cubes, de grilles et de patrons. En tant que visiteurs ou spectateurs, nous ne percevons que la transformation formelle de ces observations qui peuvent se développer en de fascinantes séries.

 

En un certain sens, l’oeuvre de Nicoline van Stapele constitue toujours la traduction visuelle d’une histoire très personnelle, d’expériences et d’émotions profondes qu’elle sait transformer et exprimer dans un langage formel d’une abstraction puissante. Tout ça me rappelle de loin les femmes en Afghanistan qui transformaient le tissage de tapis en exutoire pour les drames qu’elles avaient vécus.

 

L’exposition actuelle résulte en partie d’une quête, d’une recherche de la vérité. Il s’agit d’une quête très émotionnelle, enracinée dans l’histoire familiale de l’artiste et importante à la compréhension de son oeuvre.

 

La mère de Nicoline était née de la liaison amoureuse de sa propre mère et d’un photographe assez connu de la ville d’Utrecht. Pour sauver les apparences, l’enfant était éduquée par sa grand-tante et son grand-oncle. Après la mort de son épouse, le photographe se marie pour la bonne forme avec la grand-mère de Nicoline, mais ce mariage n’est qu’une question administrative et sera dissous par après. Arrivent les années de guerre, quand les nazis occupent les Pays-Bas. Il faut savoir que le photographe, Eduard Sanders, descend d’une famille juive bien connue. L’arrière-arrière-grand-mère de Nicoline est également d’origine juive et est née en Roumanie. La plupart des membres de la famille d’Eduard Sander ont été déportés à Auschwitz, où ils ont été assassinés. La mère de Nicoline a épousé un certain Monsieur van Stapele devant l’Eglise catholique et a donné naissance à trois enfants. Son époux, monsieur van Stapele, est bien membre du conseil de fabrique mais la famille ne fréquente pas l’église locale. Ce n’est que tard dans sa vie que Nicoline découvre que sa famille garde certains secrets et qu’elle commence sa quête de la vérité. Tandis que certaines choses restent obscures et sont passées sous silence, d’autres questions sont éclaircies. Nicoline se trouve en face de réactions surprenantes, de silences gênés, de regards détournés, de silence tout court. Comme tant d’autres, l’artiste part à la recherche de son identité.


Nous chérissons tous une certaine image de nous-mêmes, mais j’espère que nous nous posons tous un jour ou l’autre des questions sur notre identité, sur nos origines. Même les nombreux personnages politiques qui s’étendent éternellement sur « notre identité » et « nos valeurs » doivent quand même se poser une question sérieuse de temps en temps. Les jeunes cherchent des réponses à un nombre restreint de questions, mais avec l’âge, le nombre de ces questions s’accroît inévitablement. De cette manière nous arrivons à comprendre et à constater qu’il n’y a pas une seule et unique vérité, mais que la vérité est complexe et multiple.


Les oeuvres de Nicoline van Stapele forment le reflet de son travail de casse-tête patient, de ses explorations des archives, de ses recherches auprès des instances.
Son oeuvre montre comment des éléments similaires ou les mêmes pièces peuvent mener à des résultats différents, en d’autres mots qu’il existe beaucoup de possibilités, beaucoup de vérités. Des conclusions prématurées peuvent comporter des dangers. Parfois une vérité peut changer votre vie, parfois pas du tout. Un jour un homme d’état digne de ce nom, le premier ministre Théo Lefèvre, déclarait à la télévision : « La vérité ne doit pas toujours être dite ».
C’était un homme sage, peut-être avait-il raison, peut-être avait-il tort. Je vous laisse cette question difficile comme matière à réflexion et discussion. Pensez-y surtout pendant que vous observez attentivement les oeuvres que Nicoline présente dans ce Temple de la Sagesse. Et méfiez-vous de ceux qui prétendent connaître ‘la’ vérité.


Daan Rau
Harelbeke, le 7 juin 2019






Nicoline van Stapele

Not to be missed (« A ne pas rater »)

 

Les images sur le site web de Nicoline van Stapele me ramènent directement à l’année 1987, aux premières traces de son oeuvre. Dès lors je remarque que cette artiste a travaillé pendant toutes ces années, jusqu’à ce jour, de manière tout à fait conséquente.

 

Depuis ses études à la KASK de Gand, elle n’a cessé de dessiner et je parle alors de centaines de dessins qu’elle a réalisés au cours de ces trente années. A côté du dessin, elle a fait usage du caoutchouc et de bien d’autres matériaux pour créer des objets et des sculptures, voire d’imposantes installations aussi bien en plein air que dans des salles d’exposition. La VUB (Université libre de Bruxelles) lui a confié la décoration artistique de sa crèche pour laquelle Nicoline van Stapele a créé une série de sculptures en forme de reins, une forme organique très accessible aux enfants et facile à utiliser. Dans une des salles de séminaire du centre d’habitation et de culture « De Zebrastraat » à Gand, elle a créé une installation permanente fascinante sous le nom de « Où étions-nous restés ? », qui témoigne de son sens de l’humour et d’auto-relativité. Ces qualités se retrouvent dans le titre de l’actuelle exposition « Not To Be Missed », en d’autres mots « A ne pas rater ».

 

En raison de l’espace restreint, elle montre ici essentiellement des dessins. D’une part, nombre de ses oeuvres révèlent de simples motifs géométriques. Chaque dessin est en effet basé sur le point et la ligne. Beaucoup de ses oeuvres démontrent que ces deux piliers du dessin artistique peuvent se répéter à l’infini tout en restant différents. Ils peuvent établir une image rythmique et fascinante et se développer en une série de motifs intrigants, engendrant tout aussi bien le mouvement que le repos dans l’esprit du spectateur. Une grille de lignes croisées peut évoluer vers une suggestion d’espace, de profondeur et de mystère. D’autre part, on peut dire que les dessins de Nicoline véhiculent une grande dose de poésie, plus particulièrement la poésie du quotidien que nous retrouvons dans le poème de Van Ostaijen « Marc salue les choses le matin ».

 

Nicoline van Stapele a l’habitude de faire de longues promenades en compagnie de son chien Tinto, dont elle dit qu’il « pratique un examen approfondi des herbes et de arbres ». Tout comme son chien, elle se livre à l’observation attentive de ses alentours. Et c’est précisément l’expérience de cette observation que l’on retrouve d’une façon ou d’une autre dans ses dessins, bien sûr d’une manière marquée par l’abstraction, disons par la traduction.

 

Ainsi, la série « Je serai brève » qu’elle montre ici, montre en fait la reproduction de conversations passées. Comme dans des enregistrements, on trouve une espèce de barre de modulation, une ligne pleine de variation reproduisant la tonalité, ou des blocs de couleur carrés représentant le timbre. Certaines de ces « conversations » étaient très brèves, d’autres sont clairement plus étendues ou à plusieurs participants. Tout cela montre qu’une observation simple peut former le point de départ d’une série surprenante. La série exposée ici a été créée à l’occasion d’une exposition à Hasselt en 2016.

 

C’est à une série plus restreinte datée de 2014 que la présente exposition emprunte son titre. En regardant de façon plus attentive ces dessins, on retrouve à chaque fois la même phrase. Les dessins ont été exécutés à l’aide d’une pipette de la marque d’encre ‘Sennelier’. Le hasard et les irrégularités jouent également un rôle dans la formation de la ligne, ce qui contribue au charme du dessin. Nicoline utilise de préférence cette encre et quelques autres pour leurs qualités de coloration durable, contrairement à l’écoline. Le titre « Not to be missed » se réfère à un mantra que Nicoline entendait constamment à la Foire d’art de Cologne, le motif direct derrière la réalisation de ces dessins. Dans un certain sens, on peut y décerner une espèce de plan de rues, marqué par les surfaces colorées lumineuses qu’il ne faut certainement pas rater. Mais vous découvrirez qu’il y a plus que ça. Il s’agit de votre voyage de découverte personnel, de votre appréciation personnelle en non de ce que la majorité silencieuse voudrait vous dicter.

 

A ce jour, Nicoline passe quelques mois à la Cité internationale des arts à Paris, où la Belgique et la Communauté flamande disposent d’une résidence. Cela constitue pour beaucoup d’artistes une chance exceptionnelle de travailler de façon concentrée, entourés d’une communauté artistique cosmopolite. Nicoline en a profité pour peindre des formats plus grands que ne lui permet son atelier gantois. Un atelier vide peut en effet constituer une grande source d’inspiration. Nicoline, cette fois sans son fidèle Tinto, traverse Paris en de longues promenades, qui se traduisent en une série fascinante de peintures intitulée « Many Bridges To Cross » (« Bien des ponts à traverser »). Ce sont des oeuvres abstraites nées d’un vécu concret et d’observations traduites en éléments et signes géométriques. J’espère que nous pourrons bientôt admirer ces oeuvres.

 

Mesdames et messieurs, puisse cette brève introduction vous aider à vous rapprocher de l’oeuvre particulièrement intègre de Nicoline et à l’apprécier.Nicoline van Stapele est une artiste qui mérite toute votre attention.

 

Daan Rau

Berlare, le 18 janvier 2018

 
 
 
NICOLINE VAN STAPELE
TOP SECRET
22/03 – 24/05/2015
 

L'exposition solo TOP SECRET de NICOLINE VAN STAPELE (°1964 Geldrop, habite et travaille à Gand ) est le résultat d'une nouvelle collaboration à long terme avec la galeriste EVA STEYNEN et présente le travail récent de l'année écoulée ainsi que quelques réalisations plus anciennes, représentatives de l'oeuvre de l'artiste. Cette oeuvre se distingue surtout par sa recherche permanente de l'épure et la commémoration de la figuration abstraite comme une sorte d'archétype universel. Des figures, géométriques, ou empruntées à la nature, prennent forme dans des dessins, des collages et des sculptures. Ses travaux s'inscrivent hors des diktats de l'art abstrait. Ce sont des odes silencieuses à l'autonomie de l'artiste, dont les structures spécifiques investissent par dessous l'ordre imposé.

 

Nicoline van Stapele s'exprime, avec ses formes ludiques, en un langage personnel et joyeux. Son travail naît du besoin de refléter et d'ordonner le flot bouillonnant des impressions qui surgissent quotidiennement. C'est une recherche continuelle de nouvelles constellations entre l'espace, la forme et la matière. Vers la simplicité dans la composition. Les formes de base comme le carré, le rectangle, le cercle et l'ellipse, sont empruntées à l'architecture.

Elle dessine avec l'espace, tant sur la surface vide et blanche, que dans l'étendue tri-dimensionnelle. Ses dessins sont là, mais ils donnent forme à de nouveaux espaces changeants dans le temps. Ses peintures abstraites sont comme des couches sculptées de couleur, de pigment et de matière. Les oeuvres sur bois montrent ces mêmes modulations tridimensionnelles.

 

Chez Nicoline van Stapele, rien n'est ce qu'il semble être à première vue. Son travail est un exercice pour voir plus loin que le regard, une expérience. Sculpteure et restauratrice de formation, pour elle, ce qui compte, ce sont la longévité et les qualités réceptives spécifiques du matériau. Tout comme le monde en mutation permanente, ses oeuvres sont sujettes au changement. Des objets trouvés reçoivent une nouvelle définition, des fragments échappés de conversations reviennent dans les titres que portent les oeuvres. C'est ainsi que le mot et l'image se retrouvent avec le temps. De cet alliage, les abstractions produisent de nouvelles figurations aléatoires. Un méta-commentaire donne un fameux bon mot.

 

Le travail de Nicoline van Stapele invite le spectateur à sauter le pas entre regard et réflexion. Elle engage un dialogue ludique avec le spectateur et la façon dont il se relie à l’oeuvre dans l'espace. Sa performance sort l'acte de la création de l'espace protecteur et délimité de l'atelier pour le transférer dans l'espace de la galerie. Elle rend sensible la relation directe avec le spectateur. Une commémoration du sensoriel dans le regard.

 

Eva Steynen, mars 2015

 

 

Eva Steynen : Depuis quelques temps, les titres jouent un rôle important dans ton travail. Ils apportent une sorte de querelle joyeuse. Souvent, ils sont basés sur des expressions de gens lors des événements artistiques ou sur les réseaux sociaux et forment un prétexte à tes travaux. Peux-tu nous en dire plus ?

 

Nicoline van Stapele : La plupart du temps, le mot arrive avant l'image, parfois ils naissent ensemble, mais il est assez rare que j'ajoute le titre par après.

 

 

E.S. : Les titres « Poplife » et « Just Squeeze Me » sont aussi empruntés à des chansons. Pourquoi as-tu choisi ceux-ci?

 

N.v.S. : La chanson « Poplife », de l'album « Around the world in a day » (1985) Prince, parle d'une problématique qui reste malheureusement plus actuelle que jamais pour beaucoup d'artistes: « Everybody can't be on top ».

« Just squeeze me » est une partie du titre d'une chanson de Duke Ellington (1941), enregistrée notamment avec Miles Davis. Je l'ai utilisé en raison de sa fantastique musique, de l'ambiance, et du titre qui parle à l'imaginaire. Le titre complet est « Just Squeeze Me (But Please Don’t Tease Me) »

 

 

E.S. : Voici deux hivers passés, lorsque j'ai visité ton atelier, tu avais recommencé à dessiner. Tu m'as raconté que le dessin et le jeu avec les mots t'apportait une libération. Dans quel sens ?

 

N.v.S. : Depuis quelques temps, je notais des mots, des bouts de phrases dans un carnet, sans bien savoir ce que j'allais en faire. J'avais d'abord pensé à un blog. Tout à coup, les mots et les images se sont accordés dans une série de dessins, c'était comme une vague de fond, et c'était pour moi complètement libérateur .

 

 

E.S. : Tu es sculpteur de formation, mais aussi restauratrice d’oeuvres d'art. La connaissance des matières et la pérennité des matériaux utilisés joue donc un rôle important dans ton travail, comme le choix des peintures et des encres Mais aussi la manière dont tu travailles les « objets trouvés ». Tu peux nous en dire plus ?

 

N.v.S. : Ma préférence va aux matériaux durables, qui se trouvent aussi bien, et même plus, dans les « objets trouvés ». On retrouve beaucoup de plastique dans le matériel produit récemment , mais dans les magasins de recyclage on trouve encore des trésors de métaux, de boutons en cuivre, par exemple, ou des planches en chêne ou en hêtre massif, de très belles pièces de marbre qui proviennent de carrières belges qui ne sont plus exploitées actuellement. Des pièces de cuir, de lin pur, de soie ou de laine. Des porcelaines et tant d'autres choses.

 

 

E.S. : Tu es très concernée par la position de l'artiste dans la société. Les tendances sont parfois imposées d'en haut. Tu trouves que les artistes sont trop peu présents dans ce débat ?

 

N.v.S. : Certainement, l'artiste est actuellement juste un acteur dans une pièce de théâtre, et la plupart du temps, il n'en est même pas conscient.

 

 

E.S. : Dans cette exposition est accrochée une seule peinture : « Not Me ». Tu me racontais que tu ne présentes jamais plus d'une peinture lors de tes expositions. Peux-tu nous expliquer ?

 

N.v.S. : C'est comme cela que j'ai procédé les dernières fois, mais c'est parce que ces peintures viennent spécifiquement d'une série de pièces qui ne supportent pas bien la proximité l'une de l'autre. Seules, ou par paire, elles parlent mieux, sinon cela devient une cacophonie.

 

 

E.S. : De tes peintures, tu disais que tu peins comme un sculpteur. Tu utilises la peinture acrylique comme base sous la peinture à l'huile, pour apporter du volume. C'est une manière de procéder que les anciens maîtres utilisaient. Tu peux nous raconter plus sur ta manière de peindre ?

 

N.v.S. : Avec l'acrylique, je peux épaissir le volume, je l'utilise presque comme un enduit de plafonnage sur la toile, en grosses couches de niveaux différents. De l'architecture sur toile. Parfois je colore déjà l'acryl, ou j'ajoute un dessin dans une autre forme de langage, organique, sous les couches épaisses. Puis j'ajoute une fine couche de peinture à l'huile, hautement pigmentée, sur certaines parties. J'utilise la comparaison avec les anciens maîtres parce que Rembrandt, par exemple, ajoutait du volume avec de la peinture peu pigmentée sur certaines parties de ses toiles et réservait les couleurs hautement pigmentées, coûteuses, pour les dernières couches.

 

 

E.S. : Cette peinture ou cette pâte acrylique jouent d'ailleurs un rôle important dans ton travail. Qu'est-ce qui te fascine tant dans ce matériau ?

 

N.v.S. : La peinture acrylique de bonne qualité permet d'intégrer toutes sortes de matériel sur la toile ou le panneau, ou de les mélanger au travers. Cela permet de travailler les objets trouvés dans la toile, comme le fait par exemple le peintre américain Jack Whitten. Cela me permet de sinuer entre les frontières du dessin, de la peinture et de la sculpture, avec de temps à autres une performance pour en terminer avec l’oeuvre. Cela me donne un grand sentiment de liberté, car je n'aime pas beaucoup être contrainte dans une case.

 

 

E.S. : Avec ta « Table Top Performance », tu veux établir des liens avec les gens grâce à la participation du public. Mais ton allusion au côté nomade, à travers la table pliante qu'on utilise sur les marchés, n'est pas sans importance : l'artiste travaille lui aussi en dehors de son atelier fermé. Ce sont des aspects importants du statut d'un artiste, pour toi ?

 

N.v.S. : Ce sont en effet des aspects très importants. Le nomadisme, avec cette vieille table de marché pliante en bois... et je trouve qu'il est important d'établir des liens avec les gens, dans la réalité et non pas virtuellement, particulièrement à notre époque. Un contrepoids à tous ces babillages sur facebook ou twitter !

 

 

E.S.: Pour une exposition, tu commences toujours au départ d'une athmosphère particulière au lieu?

 

N.v.S: Je pars d'une ambiance spécifique que je veux créer dans cette exposition. Cette athmosphère est déterminée par divers facteurs du moment, comme l'espace, mais aussi l'actualité et ma propre position à ce sujet.

 

 

Mai 2015